Sommaire
Introduction
Pour commencer, clarifions ces deux concepts. Vous pourrez lire dans plusieurs sites ou références que le terme d’enfant-roi et associé à celui d’enfant-tyran. Certains utilisent ces deux termes comme des synonymes. Pour ma part, je vous les présente séparément, le second étant l’évolution possible du premier.
Comment se comporte un enfant-roi ?
Un enfant roi pousse à bout, il refuse les limites qu’on lui donne et cherche perpétuellement à les repousser. Il teste en permanence l’adulte. Ceci peut l’amener à être irrespectueux envers l’adulte, tant à la maison qu’à l’école, donc autant avec ses parents qu’avec ses professeurs.
Cet enfant est guidé par un principe de plaisir pulsionnel. Il lui faut assouvir son envie (et non pas son besoin) dans l’immédiat. Cela le rend intolérant à la frustration ainsi qu’à l’ennui. Pris dans ce cercle vicieux, l’enfant ne sait plus attendre et ne supporte pas la contrainte.
S’il n’est pas cadré au plus vite, le comportement d’un enfant-roi peut évoluer en celui d’un enfant-tyran.
Comment se comporte l’enfant-tyran ?
Les agissements de l’enfant-tyran sont plus intenses que celui de l’enfant-roi. Ils témoignent de plus de violence psychique et physique.
Le comportement à la maison peut devenir tyrannique. L’enfant refuse d’obéir en faisant de très grosses crises de colère. Quand ils sont en bas âge, ces enfants peuvent se rouler par terre, taper des pieds, et être difficilement contrôlables. Plus âgés, les crises de colère peuvent prendre la forme de crises d’hystérie, aller jusqu’à des dégradations matérielles (des trous dans les portes ou dans les murs par exemple), des menaces, ou des coups.
Ces difficultés peuvent aussi se retrouver en dehors de la maison. A l’école, il peut y avoir un refus d’investissement scolaire, avec des notes peu satisfaisantes ou de l’absentéisme, un comportement insolent envers les professeurs. En raison de leur attitude, les rapports sociaux ne sont pas toujours faciles avec les autres enfants, ils entretiennent de mauvaises fréquentations et développent des actes de délinquance. Il arrive aussi que ces enfants expriment des menaces auto-agressives, comme des menaces de fugue ou des menaces de suicide.
En faisant mes recherches pour cet article, j’ai pu constater qu’au-delà des termes d’enfant-roi et d’enfant-tyran, était apparu le nouveau terme d’enfant-empereur. Je ne m’attarderai pas sur ce dernier terme car l’enfant-empereur est un nouveau concept inventé pour désigner exactement la même chose. Evitons de complexifier inutilement le sujet. Simplifions ! C’est d’ailleurs la philosophie que j’applique au cabinet.
Je ne suis pas une grande partisane des catégorisations à gogos qui foisonnent de plus en plus dans le domaine de la psychologie. Cette volonté de mettre chaque individu dans une case bien rangée me dérange. En effet, si l’on nous range dans une case, comment fait-on pour en sortir ? L’effort est bien plus grand pour s’en extirper que pour y entrer. La vie est simple, l’Homme se la complique en essayant, entre autres, de catégoriser tout ce qui l’entoure.
Comment en est-on arrivé à l’enfant roi ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de revenir sur quelques faits majeurs qui ont marqué l’histoire de notre pays et de notre culture car le terme d’enfant-roi n’est apparu qu’à la fin des années 70.
Avant la fin du XIXème siècle, l’enfant était perçu comme un travailleur à part entière. Dès le plus jeune âge, les enfants partaient travailler pour rapporter de l’argent au foyer et subvenir aux besoins de toute la famille. L’existence était tournée autour de la notion de travail. Pour survivre, nul choix que de travailler. A partir de 1881, les choses ont commencé à évoluer. L’école primaire est devenue gratuite et obligatoire pour tous. Ceci a posé les bases de grands changements. L’éducation a commencé à prendre un rôle primordial dans l’enfance. Progressivement, les enfants n’ont plus été considérés comme une main d’œuvre potentielle mais comme des adultes en devenir qu’il fallait respecter.
Consécutivement, la Déclaration de Genève de 1924 a fait état d’un premier texte visant à reconnaître les droits spécifiques de l’enfant. Cette initiative a, par la suite, évolué pour aboutir en 1989 à une Convention internationale des droits de l’enfant. Cette convention met en avant quatre principes fondamentaux : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer, ainsi que le respect des opinions de l’enfant.
Dans ce contexte, les enfants ont progressivement reçu de plus en plus d’attention. De la qualité des soins et de l’éducation qu’ils bénéficient, dépend de la qualité des adultes qu’ils vont être.
L’enfant est passé au centre du système familial. Il est devenu désiré et fantasmé par le couple parental.
L’enfant est devenu un objet de sublimation où les projections des idéaux du père et de la mère peuvent se réaliser. En l’espace d’un siècle, l’enfant non attendu, devant mériter le pain de son existence, est devenu le centre des attentes et des projections parentales. Le terme d’enfant-roi est né dans ce contexte-là.
Qu’est ce qui déclenche le « syndrome » de l’enfant-roi ?
Il est bien à comprendre que si votre enfant présente des comportements similaires à ceux d’un enfant-roi, cela ne vient pas de son caractère inné. Un enfant devient un enfant-roi.
Actuellement, plusieurs facteurs peuvent expliquer l’apparition de ces comportements :
- La modification du mode de vie des familles. La démocratisation du divorce amène de plus en plus de couples à éduquer leur enfant de manière monoparentale. Cette situation est souvent source de culpabilité pour les parents qui font vivre une séparation à leurs enfants, avec un système de garde alternée assez pénible sur le plan logistique. La réponse à cette culpabilité s’exprime par un laxisme dans l’éducation. Pour éviter le conflit ou par manque de temps, les parents lèvent le pied sur les règles de vie familiales. Ce relâchement, qui amène des bénéfices à court terme dans la famille (rigolades, plaisir exprimé par l’enfant, instants de complicité), pose le socle de dégâts comportementaux à moyen et long termes. Pour quelles raisons ? Car un enfant réclame de manière inconsciente un cadre, des limites. Le cadre est sécurisant. Prenez l’exemple du câlin que votre enfant vous demande le soir au coucher, cet incontournable sans lequel il ne peut pas s’endormir. Les bras sont le cadre. Sans bras, pas de réassurance, et le dodo est alors bien plus chaotique. La même chose s’applique dans les limites éducatives et morales. Elles permettent à l’enfant de se situer, de savoir où il se situe par rapport à elles, elles lui donnent de la contenance –qui est indispensable à son développement.
Sans cela, votre enfant ne peut pas connaître sa place d’enfant. Il va prendre celle que vous lui suggérez inconsciemment, celle d’un pseudo-adulte qui peut tout obtenir par le chantage et la manipulation.
- L’individualisme et l’influence de la société de consommation. Il est évident que la révolution industrielle a fait émerger de nombreuses avancées technologiques qui nous sont grandement utiles de nos jours ; je pense notamment aux prouesses en chirurgie, ou encore à l’évolution des moyens de transports. Par contre, le revers de la médaille est qu’elle a plongé l’humain dans un monde d’individualité où les désirs les plus fous de l’Homme peuvent être réalisés et assouvis au plus vite. La télévision, qui est au centre des salons des foyers, entretient ce système. Elle nous rappelle au quotidien que nous pouvons rapidement posséder ce qui nous fait envie (et parfois même ce dont nous n’avions pas envie jusqu’à présent). Dans cette société de consommation, le marketing a bien compris que les enfants étaient une cible fructueuse. Que ne feraient-pas les parents pour leurs enfants de nos jours ? Face à cela, le cercle vicieux s’accentue avec une offre de plus en plus agressive des publicitaires. Ceux-ci considèrent de plus en plus l’enfant comme un consommateur à fort pouvoir d’achat. Il est directement visé. Lorsqu’on s’y penche, cette manière de procéder est grave pour deux raisons. La première est qu’elle fait croire à de jeunes enfants que la satisfaction ne peut s’obtenir que par du matériel, la seconde est qu’elle les responsabilise dès le plus jeune âge dans un démarche consumériste, ceci avant même qu’ils ne sachent se responsabiliser sur l’essentiel (s’organiser dans leur travail scolaire, savoir ranger leur chambre et en prendre soin, se brosser les dents deux fois par jour tout seul…).
Il en revient donc aux parents d’être extrêmement vigilants sur ce phénomène, car eux aussi sont touchés par cette société de consommation. De leur façon d’appréhender ce phénomène va dépendre l’attitude de leur enfant.
- Les mésinterprétations de certains courants en psychologie de l’enfant. Beaucoup de personnes considèrent que les théories de Françoise Dolto ont contribué à l’avènement des enfants-roi. Cette grande pédiatre et psychanalyste du XXème siècle a posé de nouveaux fondements en psychanalyse en donnant la parole aux enfants. Elle a mis en lumière les souffrances et conflits psychiques qui pouvaient assaillir les enfants, et a ouvert la voie de la bienveillance dans l’éducation pour accueillir les difficultés de l’enfant. Cependant, elle n’a jamais prôné l’idée d’un enfant mis au centre de la famille et pour lequel on exécute tous les désirs. Françoise Dolto a toujours soutenu l’importance de l’autorité parentale. Son approche de précurseur invitait à écouter l’enfant comme un être à part entière, à lui reconnaître des droits, oui, mais uniquement dans la mesure de ce que cet enfant pouvait assumer en raison de son âge. Nul besoin de donner la parole à enfant de 3 ans pour savoir ce qu’il pense de l’utilité de la ceinture en voiture, par exemple. Une mauvaise connaissance de l’approche de Françoise Dolto a pu faire dévier l’éducation parentale vers ce qu’elle est aujourd’hui. Il se produit la même chose avec les méthodes d’apprentissage de Maude Montessori. De nombreuses écoles, classes et activités Montessori, fleurissent à l’heure actuelle. Ces initiatives sont louables mais malheureusement le socle théorique n’est pas assez solidement présenté aux parents et l’initiative initiale est en train de dévier.
Gardez en tête que seuls vous, parents, avez les cartes en main pour éduquer votre enfant malgré ces influences peu avantageuses. Retenez bien que, aujourd’hui être parent, c’est principalement être un éducateur. Pour éduquer son enfant il est bon de savoir comment votre enfant fonctionne selon ses besoins (physiologiques et psychologiques) et pas selon ses envies. Là est toute la différence ! Pour exemple, nous ressentons le besoin de manger après plus de 12 heures de jeûne, mais l’appel du croissant dans la devanture de la boulangerie réfère bien plus à une envie. Dans ce cadre, je vous l’accorde, pour être un bon éducateur il est nécessaire d’avoir un peu de connaissance en psychologie de l’enfant. D’où l’explosion de livres sur le sujet à destination des parents et des blogs ou site comme celui-ci pour vous accompagner. Nous vivons une période de transition sur l’exercice de la parentalité. Dans ce chemin que nous suivons, nous prenons tous le pari qu’éduquer de la manière la plus bienveillante possible nos enfants, dans le respect de leurs phases de développement, leur permettra d’être des adultes éveillés.
Quel adolescent (et quel adulte) devient l’enfant-roi ?
L’adolescence est un passage de crise identitaire. Cette crise se présage d’autant plus violente chez l’adolescent-roi-tyran. Les crises de colère sont fréquentes, l’ado « exige », il fixe ses propres règles quoiqu’il en coûte, comme choisir la musique ou le programme télé. Il parle mal à ses parents, les provoque. Certains parents deviennent très méfiants vis-à-vis de leur enfant qui les vole (cigarettes, vêtements, argent) et n’assume pas ses responsabilités. Il ment. D’autres ados n’arrivant pas à gérer leur intolérance à la frustration fuguent, tombent dans des conduites addictives, ou vont jusqu’à la tentative de suicide. Dans le jargon psy, ces ados présentent un trouble oppositionnel avec provocation (TOP). Remettre le système familial en place à ce stade est très difficile. L’intervention isolée d’un psychologue n’aura souvent qu’un mince impact. Il est préférable à ce stade de faire intervenir les services sociaux avec un psychoéducateur qui pourra intervenir au cœur même de la famille.
L’adulte-tyran est facile à identifier. Il s’agit de ces personnes qui bafouent les règles et la bienséance au profit de leurs désirs personnels. Ces personnes qui se croient au-dessus de tout le monde. Nous en avons tous déjà croisé malheureusement : celles qui prennent la voie d’urgence sur l’autoroute alors que vous êtes en plein embouteillage, au risque de bloquer un véhicule de secours, ou bien encore celles qui se permettent de parler fort dans les transports en commun. Ces adultes font passer leurs envies et leurs besoins, en priorité, sans se soucier de leur environnement. Ils ne savent pas penser dans un collectif. Ils se considèrent au-dessus des autres car leur bien-être prime avant tout, ils sont animés par le principe de plaisir. Peu importe les conséquences que cela engendre dans leur entourage. S’ils veulent quelque chose ils feront tout pour l’obtenir le plus rapidement possible. Ces adultes rejettent la faute à l’extérieur, ils ne peuvent pas voir leur comportement comme étant la source du problème.
En conséquence, ces adultes tyrans peuvent développer des traits de perversion, sans pour autant être un pervers narcissique (en psychologie on dit qu’il y a une différence entre un trait et un état. Nous pouvons tous avoir des traits de perversion mais nous ne sommes pas tous construits psychiquement dans la perversion).
Comment résoudre le problème ?
En tout premier lieu, il va falloir vous armer de patiente et de ténacité. Le maître mot est de ne rien lâcher !
- Fixez des règles de vie claires et précises. Vous pouvez noter celles-ci sur un tableau pour vous y référer si besoin. Ces règles sont la référence de votre de famille, elles sont le cadre.
- Ne dérogez jamais à ces règles, quel que soit le comportement de votre enfant. Toute la maison se doit de respecter ces règles. Je me souviens d’un papa m’ayant raconté l’histoire de sa fille qui n’arrêtait pas de claquer la porte de sa chambre pour montrer son mécontentement. Ne pas claquer les portes faisait partie des règles de vie de la maison. Pour faire respecter la règle, le papa a décidé de lui enlever sa porte de chambre. Après quelques jours sans portes, sa fille n’a plus jamais claqué la porte.
- Respectez l’âge de votre enfant dans les règles imposées. Pour que cette manière de procéder fonctionne, elle se doit d’être cohérente avec son stade de développement. Ne donnez pas des règles trop strictes, ni trop laxistes.
- Tenez bon et sanctionnez. Des règles sont faites pour être respectées, donc en cas de non respect de celles-ci il est normal d’être sanctionné. C’est la base de la morale de notre société. Imposez donc de petites sanctions lorsque nécessaire.
- N’ayez pas peur de ne pas vous faire aimer par votre enfant. C’est cette peur qui peut en partie vous faire lâcher dans votre fermeté. Votre enfant vous aimera bien plus et vous respectera davantage si vous vous faites respecter. Ce que vous craignez risque bien plus de se passer si vous devenez laxiste. Vous n’êtes pas là pour copiner avec votre enfant mais bien pour l’éduquer.
Pour que la famille soit épaulée dans cette démarche, vous pouvez faire appel aux services sociaux, ou bien à une équipe pluridisciplinaire d’un Centre Médico-Psycho-Pédagogique (CMPP), avec pédopsychiatre et psychologue.
Les livres à propos de l’Enfant-Roi
Si vous recherchez un livre à consulter sur le sujet, je vous conseille celui de Didier Pleux, Docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien et psychothérapeute « De l’enfant roi à l’enfant tyran » chez l’éditeur Odile Jacob, qui est une référence sur le sujet. Il date de 2002 et commence à vieillir sur certains aspects, mais l’auteur a continué d’écrire de nouveaux ouvrages pour actualiser son thème de recherche. « Le complexe de Thétis. Se faire plaisir et apprendre à vivre », paru en 2017, est tout aussi passionnant.
Merci à vous pour cet article passionnant.
Bonjour,
Je vous en prie. Merci à vous.
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